Née en 1960, j’ai soixante ans aujourd’hui… dans un contexte que je n’aurais jamais imaginé possible il y a seulement un mois, où je chassais encore les aurores boréales à Tromso en Norvège, mon auto-cadeau d’anniversaire, selon le bon vieux principe qu’on est jamais mieux servi que par sa propre énergie !
En me réveillant, je me suis crue le 5 avril 1970 : j’ai scruté le même ciel d’une pureté absolue qu’à mes dix ans, respiré le même air parfumé, me suis délectée des mêmes pépiements que n’étouffent plus le roulement de milliers de voitures. De pénétrer maintenant dans la catégorie des sexy-sexas me cause autant de joie qu’il y a cinquante ans, quand j’entrais tête haute et pieds en pattes d’eph dans celle des « teenagers », avide de plonger dans le mode de vie hippie qui débarquait tout juste en Europe et fascinait mes parents. On écoutait Jimi Hendrix et Janis Joplin sur le tourne-disque familial, on rêvait à un monde sans guerre et sans travail, où tout le monde s’aimerait…
Le mouvement nihiliste punk a déferlé peu après, suivi de la vague yuppie, de l’ultra-libéralisme et mes idéaux sont entrés en clandestinité : pendant des décennies, rêver à un monde plus humain était taxé du dernier ridicule. Tant de nuits à pleurer dans l’obscurité, de journées à m’autodétruire dans mon incapacité de faire émerger un monde moins cruel. Hautement suspects pour le monde laïque, les seuls qui me faisaient entrevoir un autre possible étaient les métaphysiciens, alchimistes et autres spirituels… Pour aller vers moi-même, dans une liberté, une souveraineté à laquelle je sais maintenant avoir aspiré depuis des vies et des vies, il ma fallu un sacré temps pour me dépêtrer des épaisseurs de la conscience de masse, des vieilles croyances, des rets ancestraux et karmiques. Tout désapprendre, quel boulot!
Ce jour de mon entrée dans la maturité dans un contexte pour le moins bouillonnant, je suis certes en profonde empathie avec ceux qui souffrent ou travaillent comme des forcenés dans les hôpitaux et services surchargés, mais je suis également en paix; consciente que nous créons notre réalité à chaque instant, j’ai choisi d’envisager cette crise que nous traversons dans une perspective constructive.
Pour les médecins holistiques, les virus ont une utilité. Ils ne se développent pas dans les organismes par hasard, la fièvre élevée qui accompagne la libération des leucocytes responsables de la défense immunitaire permet de détoxifier le corps par une transpiration abondante; quant à la grosse fatigue qui caractérise le processus, elle n’est non plus générée par caprice : le corps touché signale un profond besoin de repos, donc rien de mieux qu'obéir à la nature, se coucher, boire beaucoup et transpirer... Et si la mort est néanmoins au rendez-vous, à quelques rares exceptions près, les virus ne font qu'avancer une date de décès qui répondrait à un choix d’âme fatiguée par une incarnation trop longue ou maladive, donc ne devrait pas concerner ceux qui ont un profond désir de vivre, sinon dans le chagrin cruel de perdre des êtres chers sans avoir pu les accompagner.
Au niveau global, le même processus est à l'oeuvre, révélateur sans concession des déséquilibres de notre société. Cette pandémie a « grippé » tous les mécanismes habituels quand elle ne les a pas carrément stoppés. En douceur, elle a stoppé la course au profit à moindre coût, la délétère course contre la montre occidentale, génératrice de stress et d’anxiété plus mortifère que n’importe quel virus. Bien sûr les conséquences économiques ne sont pas très drôles à court et moyen terme, mais les effets positifs de cette détox commencent déjà à se manifester: disparition à une vitesse folle d’une pollution qui faisait certainement bien plus de victimes que le décrié Covid, remise en question des délocalisations forcenées, nouvel éclat du local, pénuries qui font réfléchir à la valeur des choses et au miracle quotidien de l'approvisionnement, solidarités nouvelles… Cette crise a renvoyé tout le monde ou presque à la maison, et quelques oligarques ukrainiens dans les hôpitaux même qu’ils ont contribué à démanteler (!), mis au chômage sans compensation dealers, cambrioleurs et autres marchands d’armes… On peut observer chaque jour dans les news ce "reset" à échelle mondiale.
Au niveau individuel, passé le premier choc et la période d’ennui devant des séries ou des films qui ne répondent plus à notre nouvelle réalité, cette pandémie brisant les routines oblige chacun d’entre nous à un retour sur soi. Ça sert à quoi la vie? Qu’est-ce que je veux vraiment? En relevant la tête du guidon, on se demande comment on a pu accepter de sacrifier nos quotidiens pour assurer à certains et imposer à d’autres une « croissance » aussi destructrice. On retrouve une vie de famille digne de ce nom ou on s’aperçoit que ce compagnon, cette compagne, n’est décidément plus pour nous et qu’il va falloir en tirer les conséquences… « On arrête tout, on réfléchit et c’est pas triste », disait le dessinateur Gébé en 1971. Avec le télétravail et l’aide des réseaux, de nouveaux liens se tissent, une folle inventivité surgit, des formations en ligne foisonnent, de nouveaux jobs s’inventent, des potentiels émergent. Et puis on peint, on sculpte, on crée des vidéos sublimes, on écrit, on (se) fait rire, on chante, oh oui on chante à nouveau… Notre intelligence créatrice se réveille d’un long sommeil.
Comment ça va être après ce sacré virus? Retournerons-nous à la folie morbide d'avant ou serons-nous entrés en conscience, quel que soit notre milieu social, qu'une autre réalité, plus favorable à chacun, est possible, à portée de main? Maintenant qu'on a vu que les caisses étaient pleines quand il le fallait (!), une allocation universelle de bonne vie sera-t-elle distribuée à chacun? Saurons-nous inventer des programmes scolaires, des métiers plus en phase avec la nouvelle donne? Les politiques et les financiers prendront-ils le temps de réfléchir avant d'agir?
Mmh, moi en tout cas je m’imagine déjà le 5 avril 2030, fêtant mes septante ans dans un monde dédié à la beauté. On vivra dans des maisons couvertes de verdure, on apprendra aux gosses à s’aimer eux-mêmes et développer leurs talents, les robots feront les sales boulots, tandis qu’une myriade d’entrepreneurs qui n’auront jamais l’impression de bosser tellement ils aimeront leur job nous assureront des services impeccables. Personne, plus jamais, ne sera privé de toit et on se nourrira TOUS de choses délicieuses qui ne nuisent ni aux animaux ni à la nature. On se déplacera par anti-gravitation, on s’éclairera et se chauffera à l’aide de nouvelles énergies non polluantes et gratuites découvertes pendant la pause sacrée de 2020. Ce ne sera plus une honte d’être un contemplatif, un artiste, un créateur. Aucun système de gouvernance n’aura pas au moins un sage à son bord, pour autant que ces systèmes soient encore nécessaire à ces êtres souverains qui s’assument pleinement et ne jouent plus les victimes… Je vous laisse compléter la suite!
Ah oui, j’allais oublier, pour ceux qui ont encore envie de jouer le vieux jeu, il y aura des sortes de réserves à la Westworld où ils pourront continuer à stresser à mort, réduire à l’esclavage ceux que ça excite, bousiller leur environnement et s’entretuer parmi!
On n’est pas des brutes, quand-même…