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L'indé de base (auteur-éditeur donc) dispose d'un outil perfide: il peut suivre au jour le jour l'évolution de ses ventes. Sûrement grisant pour les caracolants Jacques Vandroux ou Rebecca Greenberg, mais pour l'auteure d'Eternelle, dont les seuls pics sont des auto-achats (afin de constituer un stock en vue des causeries), mieux vaut ne consulter que très épisodiquement cette loupe virtuelle. Certes la moyenne des ventes de la prunelle de mes yeux a doucement passé d'un exemplaire tous les deux jours à un par jour, ce qui en terme de pourcentage constitue une faste (!) progression, mais pour une rêveuse persuadée qu'elle vivrait désormais de sa plume, à l'instar de Jean-Philippe Touzeau ou Agnès Martin-Lugand, il y a un pas... que j'ai franchi brutalement hier, trébuchant sur le seuil de mon garagiste.

 

Une traître calculette mentale m'a subitement fait réaliser que pour régler ma facture, il m'aurait fallu vendre 150 livres d'un coup. Les calculs se sont alors enchaînés: il en faudrait 160 mensuels pour mon loyer, 30 pour ma seule assurance maladie (aaaargh!), 10 pour mes biolégumes, etc etc. Bref, pour ne pas finir au ruisseau, il faudrait que j'écoule 15 fois plus de livres qu'actuellement. Le plus énervant dans tout ça, c'est d'entendre pouffer mon maître intérieur, dans sa certitude que les énergies pourvoient toujours aux besoins de celui qui les permet. (M'énerve çui-là, on voit bien qu'il n'a pas besoin de claper !)

Comme je ne peux imaginer retourner en entreprise après mon burn-out (d'autant plus que ma date de péremption est passée depuis moche lurette) ni supporter ne serait-ce que l'ombre d'un chef, et que j'ai furieusement envie de continuer à écrire, je me suis demandée si, avec ce qui me reste des sous d'une vieille ferme rénovée avec amour par mon mari et moi, puis revendue par mon ex-mari et moi (la même qui m'a fait vivre pendant mes deux ans d'écriture intensive), je ne devrais pas délouer mon appartement au plus vite, vendre ma titine et mes meubles au profit d'une camionnette aménagée, assez discrète pour garer n'importe mais assez ingénieusement conçue pour y caler couchette, tablette, douchette et cuisinette: mon petit palace itinérant dans la prairie!

Au fait... même si le bouquin devait subitement décoller, je me demande si ce n'est pas ça, le prochain projet que mon fichu maître n'arrête pas de m'insuffler : ça aurait de la gueule, un van estampillé "writer on tour", mes livres commandés au fur et à mesure poste restante servant de support à mon matelas et des placards ne contenant que le strict nécessaire: jeans, pulls, T-shirts, bikini et un PC ultra léger juste assez large pour que son clavier me permette d'écrire sans me bousiller le canal carpien. Je viendrais vous rendre visite, recueillir votre histoire pour la caler dans mes romans, ou lire quelques extraits d'Eternelle et suivants devant un petit public de vos amis... Rien qu'à l'idée de me sentir loin des contraintes et des factures récurrentes, libre de quitter un lieu sitôt qu'il me déplaît et de rester dans le suivant autant que désiré, de dormir au silence des campagnes ou au chant des vagues... Chacune de mes cellules exulte ! Ca doit être l'effet Joyfortheplanet, entretenu par une Isou qui réalise un rêve itinérant en ce moment même, ou les petites graines semées par les Sixenroute, famille accueillie autrefois pour une conférence mémorable, dont je suis toujours les aventures avec passion... Un vent de liberté pneumatique qui n'est pas prêt de cesser de souffler!

Quoi, qu'est-ce que vous dites? Ce serait le moment que je revienne VRAIMENT sur terre? Pas sûr que j'en aie envie, cette fois...